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Toussaint. Devenons tous des saints. Homélie du P.Rigobert




« N’aie pas peur de la sainteté. Elle ne t’enlèvera pas les forces, ni la vie ni la joie. C’est tout le contraire, car tu arriveras à être ce que le Père a pensé quand il t’a créé et tu seras fidèle à ton propre être » §32

La Toussaints invoque la multitude des saints reconnus et connus de Dieu qui les a reçus dans sa gloire. Tous ces hommes et femmes connus de Dieu seul qui ont vécu de foi, d’espérance et de charité dans notre monde, maintenant ils vivent heureux auprès de Dieu comme nos modèles et intercesseurs. L’Eglise honore leur vécu parmi nous et nous les présentent comme des modèles de sainteté. Depuis les patriarches, nos pères dans la foi tel que Abraham ont marché en présence de Dieu sur le chemin conduisant vers la perfection.

Nous les célébrons en rendant grâce à Dieu pour l’appel qu’il leur avait adressé et auquel ils ont répondu dans les diverses situations. Le même appel à la sainteté nous est adressé également en ce jour. Pour le Pape François les saints ne sont pas seulement ces héros anciens, mais même aujourd’hui nous vivons encore avec des « saints de la porte d’à côté » : « Ne pensons pas uniquement à ceux qui sont déjà béatifiés ou canonisés. […] J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire » (E.G. §7-8). Des saints du quotidien nous entourent et nous côtoient dans l’anonymat. Ils font de grandes merveilles dont personne ne parle et que l’histoire ne leur attribuera pas. Pourtant au-delà des puissants cités dans des crises historiques de l’humanité il y a des héros dans l’ombre qui ont été les vrais protagonistes des tournants de l’histoire. Le pape François parle de ses saints connus de Dieu seul en citant Sainte Thérèse Bénédicte (née Edith Stein) :

« Dans la nuit la plus obscure surgissent les grandes figures de prophètes et de saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention, ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire universelle. Ce n’est qu’au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que nous découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants décisifs de notre vie personnelle » (E.G. §8).

Ces héros de l’ombre sont aussi présents même au-delà des appartenances religieuses. Peu importe où l’on se situe, où on se retrouve, l’appel à la sainteté est adressé à tout homme dans toutes les circonstances. De nos jours de repli identitaire, de terrorisme, de pandémie, de consumérisme la semence de sainteté est toujours en germe. Le modèle de sainteté de nos jours vient d’un jeune italien Bienheureux Carlo Acutis, surnommé « Geek de Jésus » sur les réseaux sociaux, malgré son jeune âge il est un des pionniers missionnaires de l’annonce de l’Evangile sur ce continent numérique. Tout en étant imprégné de la culture de la téléréalité comme tout jeune de son temps il a su vivre son amour de l’Eucharistie comme son « autoroute vers le ciel » alors que ce monde est redouté comme source des vices des jeunes portés souvent à vivre à la superficie de leur personne. Sa sainteté défie cette superficialité en montrant que chacun devrait vivre de l’originalité avec laquelle Dieu l’a créé : « Tout homme naît comme un original mais beaucoup meurent comme des copies » disait le jeune Carlo Acutis.

Autant Dieu a réservé une originalité à chacun, autant la sainteté n’est pas à copier chez des experts ou des professionnels. Elle est simplement un fruit de l’Esprit de Dieu qui guide chacun dans l’inattendu du divin dessein d’amour. Dieu trouve chacun agréable à ses yeux, pas nécessairement parce qu’il a fait des grandes œuvres, mais à cause d’une sincère conversion, parce qu’il a été suffisamment éprouvé par la pauvreté de cœur, les pleurs de ce monde, les soifs de justice, les persécutions pour les causes de Dieu et de l’homme, les incompréhensions de toute sorte... Ce sont ces épreuves qui amènent les saints à vivre des béatitudes même en ce monde qui est encore à plaindre et qu’il faut amener à sa perfection. La sainteté commence déjà par ce souci de faire ou d’être mieux qu’hier. C’est l’Esprit Saint qui suscite en chaque conscience cette soif de conversion : « Quand tu sens la tentation de t’enliser dans ta fragilité, lève les yeux vers le Crucifié et dis-lui : ‘Seigneur, je suis un pauvre, mais tu peux réaliser le miracle de me rendre meilleur’. Dans l’Eglise, sainte et composée de pécheurs, tu trouveras tout ce dont tu as besoin pour progresser vers la sainteté » (E.G. §15). Ne minimisons jamais ces moments d’avoir été mieux qu’avant, ce sont ces semences de conversion à la sainteté dont Dieu se sert pour nous élever à la palme de victoire.

Bien de personnalités parues héroïques ont tenu dans la persécution la plus cruelle grâce à ces simples moments de grâce. Le Pape François réfère ici au témoignage du Cardinal François-Xavier Nguyen van Tuan qui avait renoncé à demander sa libération. Son choix était de vivre le moment présent en le comblant d’amour : « Je saisis les occasions qui se présentent chaque jour, pour accomplir les actes ordinaires de façon extraordinaire » (E.G. §17). Un acte d’attention à un collègue prisonnier suffit comme une attitude extraordinaire pour quelqu’un qui ne s’attend qu’à des humiliations de ses bourreaux. C’est un tel moment qui a valu au bon larron la promesse du paradis de celui qui a choisi de le rejoindre sur la croix alors qu’il ne la méritait pas. Un seul moment a redonné un sens ultime à toute sa vie. Ce que nous vivons déjà porte des germes de sainteté, il suffit d’intérioriser cette vie ordinaire en y discernant la mission qu’elle comporte (Cf. E.G. §27). Percevoir la totalité de sa vie, pas seulement à orienter vers une mission, mais c’est la vie elle-même qui devient une mission. La vie, dans sa fragilité, ne semble pas avoir de valeur car elle n’a pas d’équivalent mais elle vaut d’être vécu au jour le jour pour en constater l’inestimable béatitude. Quand elle est donnée comme celle du Christ, alors elle devient une béatitude, un vrai paradis. « Le défi, c’est de vivre son propre engagement de façon à ce que les efforts aient un sens évangélique et nous identifient toujours davantage avec Jésus-Christ » (E.G. §28).

La sainteté n’attend pas d’avoir des diplômes en science de Dieu, elle n’est pas nécessairement une œuvre philanthropique, c’est plutôt l’Esprit Saint qui comble les cœurs des pauvres du don de la conversion quotidienne. Dans le monde actuel nos cœurs ne sont pas nécessairement pauvres de fortune, mais surtout des pauvres des vertus de générosité, de douceur, de compassion, de justice, de miséricordes, de pureté, de paix intérieure, de patience… Une des tâches qui nous sont demandées en cette solennité de la Toussaints, c’est d’abord de nous rendre compte de cette pauvreté. La grâce à demander à nos saints patrons est la volonté de faire le premier pas de conversion quotidienne : « Demandons à l’Esprit Saint d’infuser en nous un intense désir d’être saint pour la plus grande gloire de Dieu et aidons-nous les uns les autres dans cet effort » (E.G. §177). C’est une des conditions de garder confiance en la miséricorde de Dieu qui appelle chacun à la sainteté malgré sa situation actuelle : « Même quand l’existence d’une personne a été un désastre, même quand nous le voyons détruite par les vices et les adductions, Dieu est dans sa vie. Si nous nous laissons guider par l’Esprit plus que par nos raisonnements, nous pouvons et nous devons chercher le Seigneur dans toute vie humaine » (G.E. §42). Dieu est certainement dans ta vie comme il est dans la mienne : c’est bien lui le Saint et la Sainteté véritable.


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