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Prédication pour la Visitation. Pasteur Blanzat

Texte de référence: Évangile de Luc 1, 39-56


(c) Arcabas

Prédication du mardi 31 mai 2022, Chapelle de Valpré.

Frères et sœurs, c’est avec une vraie joie que j’ai reçu l’invitation d’Arnaud de partager avec vous la méditation en ce lieu où nous avons déjà eu l’occasion de partager beaucoup de temps forts: le Forum Chrétien francophone, la veillée de louange de la semaine de prière pour l’unité, et le Christ aux 7 Églises.

Heureux, d’être invité pour ce jour de Fête de la Visitation – une solennité que nous n’avons pas tellement l’habitude de marquer dans la tradition protestante, même si la page d’évangile qu’elle nous donne l’occasion d’entendre est vraiment une très belle page, qu’appréciait d’ailleurs tout particulièrement le moine augustin et réformateur Martin Luther… Luther dont le bureau de travail parait-il était orné d’un tableau représentant la vierge Marie – et qui est l’auteur d’un splendide commentaire du Magnificat.

Et je dois dire que je trouve très judicieux que votre calendrier liturgique ait choisit de placer cette fête précisément entre le 7ème dimanche après Pâques où nous avons médité la prière de Jésus pour l’unité de ses disciples (en Jean 17) et le dimanche de Pentecôte où avec le don de l’Esprit nous nous apprêtons tous à fêter l’acte de naissance de l’Eglise de Jésus-Christ.

Et donc nous voilà encore comme en gestation, dans l’attente que la bonne nouvelle de la résurrection grandisse suffisamment dans nos entrailles pour que l’Esprit saint nous fasse la grâce d’être en mesure de la donner à notre tour, de la mettre au monde…

Un monde qui aujourd’hui encore, et peut-être aujourd’hui plus que jamais – est davantage marqué par l’angoisse de la mort et de la fin que par l’attente d’une naissance et de l’avènement de la vie !

Et voilà que l’évangile choisit de nous donner à entendre le secret de deux femmes – deux parturientes – Elisabeth et Marie – Deux femmes de foi et d’espérance – deux femmes qui portent en elles l’avenir de l’humanité – en un double baptême :

- baptême d’eau qui accompagnera la parole prophétique d’un certain Jean – criant dans le désert à la conversion, à la repentance, au changement…

- baptême d’Esprit – comme le don du Fils unique de Dieu - parole faite chair – qui par le don de sa vie nous unit si intimement à son Père que le même Esprit qui les unit nous fait toutes et tous vivre et nous anime.

Deux femmes – totalement à contre-temps de leur temps :

- bien trop jeune pour Marie…

- bien trop vieille pour Elisabeth… pour donner la vie !

Curieusement, à elles deux, elles résument notre paradoxe spirituel personnel… à elles deux, elles viennent bousculer tous nos alibis commodes derrière lesquels nous ne cessons de nous cacher pour fuir l’appel de Dieu… pour fuir cet appel qui vient toujours à contre-temps !

Car nous aussi nous passons notre temps à dire plus ou moins explicitement à Dieu que son horloge est détraquée…

Pour nous aussi l’appel Dieu nous semble retentir toujours trop tôt ou trop tard !

- Oui Seigneur, j’entends bien que tu m’appelles à m’engager, à témoigner, à oser une parole et des actes audacieux… d’accord mais attend un peu ! Attends ! …Que j’ai fini mes études,

que j’ai eu le temps d’élever mes enfants, de payer ma maison… attends un peu ! …que j’ai eu le temps de grandir, je suis trop immature, trop ignorant…. Attend que je me forme – que je suive la formation “le Christ aux 7 Églises”, après je te suivrai…

Ou bien au contraire :

– tu arrives trop tard Seigneur, tu vois bien que je n’ai plus la disponibilité, la liberté, l’inconscience nécessaire pour me risquer à l’aventure ! Si seulement tu étais venu me chercher il y a 20 ans – là oui j’aurai répondu joyeusement….

Mais me voilà trop usé, trop cabossé, trop blessé, trop fêlé pour pouvoir porter en moi et donner au monde la vie qui vient de toi !

Avant l’heure c’est pas l’heure ! après l’heure… c’est plus l’heure !

Hélas !

Ces deux femmes, ces deux facettes de notre vie : voici que l’évangile les fait aujourd’hui se rencontrer ! Non pas pour se lamenter mais pour s’émerveiller ! Magnificat ! Et déjà pour la plus âgée c’est Pentecôte ! l’Esprit Saint la saisit !

Où va se loger cette expérience de l’Esprit Saint ? Dans sa tête ? dans son intellect ? dans son coeur au siège de ses émotions ?

Non cela vient de plus profond encore de ses entrailles… et ce qui palpite en elle, ce qui remue en son sein, ce n’est pas elle – la vieille Elisabeth – mais bien l’enfant qu’elle porte – la parole prophétique qui in utero semble déjà vibrer à la présence de la parole incarnée – à la présence de son Seigneur lui-même encore en germe dans le ventre de Marie. Une expérience extraordinaire – sentir la vie bouger à l’intérieur de soi… Une expérience qui n’est pas réservée qu’aux dames !

Frères et sœurs – aujourd’hui c’est la fête de la visitation – et pour nous tous hommes et femmes – une occasion inespérée d’expérimenter les prémices d’une pentecôte nouvelle, ici et maintenant !

Dieu nous appelle aujourd’hui – et nous voilà à contempler dans l’évangile la rencontre de nos vies toujours à contre-temps :

  • nos corps usés face à face avec notre foi immature

  • nos enthousiasmes trop longtemps refroidis (presque éteints dans la résignation) et notre imagination à peine balbutiante – qui se retrouvent face à face

  • Tous nos alibis – tous nos “c’est trop tard” face à tous nos “c’est trop tôt” !

  • Tous nos besoins légitimes de sécurités face à nos besoins vitaux de changement et de renouveau

  • Tout notre attachement à une belle tradition séculaire gage de sérieux, de profondeur et de fidélité face à face avec toute notre aspiration à une parole libre – vive – créative – et véritablement féconde…

Face à face.

Et voilà qu’à la surprise générale, ce face à face n’est pas condamné à l’immobilisme. Ce face à face n’est pas condamné à répéter sans fin la querelle des modernes contre les anciens, celle des jeunes contre les vieux, de la droite contre la gauche, des protestants contre les catholiques, des charismatiques et des non charismatiques, de ceux qui prient contre ceux qui agissent, de la majorité contre l’opposition des Marthe et des Marie…

L’évangile de la visitation c’est la bonne nouvelle de l’hospitalité (philoxénie) paroles qui enfin s’échangent : Paroles totalement inattendues – inespérée. Parce que quelque chose remue au dedans de nous – Parce que la vie… reconnait la vie. Le prophétique reconnait le salut incarné. Ne le sentez-vous pas remuer au plus profond de vous ?

« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?”

Cela se ressent – comme le feu des pèlerins d’Emmaüs qui réchauffe le Coeur et qui décille les yeux … Le salut s’est fait proche. Et c’est ici… et c’est maintenant. Dans une vie humaine – qui accueille avec humilité le temps de Dieu ! Ce temps qui se joue de tous nos contre-temps !

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante…

Magnificat ! Nous pouvons la reprendre cette prière – la prier – à tous les temps cette belle prière de Marie… qui s’émerveille de voir sa vie - porter infiniment plus grand qu’elle-même…

La prier en la faisant nôtre cette prière de tous les temps :

“il a mis en déroute ceux qui ont le cœur orgueilleux, il a renversé les puissants de leurs trônes et il a élevé les humiliés au premier rang. Il a comblé de biens ceux qui avaient faim, et il a renvoyé les riches les mains vides. »

C’est la prière des humbles… de tous ceux qui portent le Christ non pas comme un discours conquérant – non pas comme un savoir que l’on possède – mais comme on porte un enfant – fait pour grandir, fait pour la liberté, pour les autres et pour le monde –


Aujourd’hui c’est la visitation. Elisabeth rencontre Marie, comme les deux faces de notre existence. Frères et sœurs Dieu n’en n’a pas fini avec notre vie !

Que vous vous sentiez trop jeune ou trop vieux… cet évangile est pour vous !

Bonne nouvelle de la Visitation ! Amen.


Pasteur Pierre Blanzat

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