Riches des dons de Dieu
Dernière mise à jour : 16 nov. 2020
Le P. Arnaud Alibert nous propose quelques pistes de réflexions pour les textes de ce Dimanche

Première lettre de Paul aux Thessaloniciens
Cet extrait de la lettre de Paul pourrait nous servir de porte d’entrée pour toute la liturgie de ce dimanche et même plus largement pour la période que nous traversons. Période d’épreuve après une forme d’insouciance, quand nous nous écriions « quelle paix, quelle tranquillité ! ». Paul compare l’épreuve à une catastrophe qui s’abat. Pourra-t-elle emporter toutes nos certitudes ? Sans doute pas, car, pour Paul, nos certitudes ne reposent pas sur des réalités passagères mais sur des choses qui ne passent pas. Nous sommes des fils de la lumière, des fils du jour. Il est bon de nous le rappeler souvent, car c’est ce que nous sommes au sens où cela correspond à la manière dont Dieu nous voit. Cela nous dispense-t-il d’être des hommes de la terre et de ses épreuves ? Cela nous dispense-t-il de notre responsabilité dans le monde ? Au contraire, semble dire Paul, notre existence dans le monde, pour autant que nous sommes fidèles à notre filiation divine est essentielle au monde, d’où l’appel à notre vigilance, qui signifie aussi, selon moi, notre engagement.
Livre des Proverbes
Le texte fait la louange de la femme, bonne maîtresse de maison, bonne mère de famille. Le tableau dépeint est beau, touchant, mais, il faut bien le dire, un peu rêvé, idéaliste. Dans le partage biblique du dimanche soir, certaines participantes (j’insiste sur le féminin !) l’ont même trouvé ringard. Cherchons le point spirituel qui nous nourrira tous : derrière l’image de la femme, il y a celle que nous prenons en épousailles. Notre femme ou notre mari, notre communauté, notre solidarité avec telle personne… Ou bien encore, sur un plan plus fondamental, c’est l’Église (nous !, en somme) vis-à-vis, du Christ, cette Église dont on ne finira jamais de dire de belles paroles, d’en attendre beaucoup mais aussi, hélas d’en rencontrer les limites au long des temps. L’actualité est remplie de ces hauts et bas.
Nous pouvons enfin nous inspirer de ce texte pour regarder notre communauté et tous ceux à qui nous donnons une place privilégiée dans notre vie. Alors, nous comprenons combien ce texte parle de notre vie spirituelle et de la fécondité qu’on pourrait dire « pratique » de la foi : sommes-nous en alliance avec le Seigneur, étant entendu que lorsque nous entrons en alliance avec le Seigneur, notre « maison » intérieure est bien tenue ; c’est la marque de sa présence. Ainsi, notre foi, comme la femme parfaite du texte, est « louée aux portes de la ville ».
C’est aussi ce que dit le Psaume 127 : « L’homme qui craint le Seigneur sera béni. À lui le bonheur ».
Évangile de Matthieu
Cette parabole des talents est la dernière de l’Évangile de Matthieu ; elle semble les résumer toutes. Les personnages en sont archiconnus ! Il y a Celui qui donne avec une générosité exagérée, Dieu. Il y a l’homme fidèle qui reçoit ce don et qui découvre que ce don donne du fruit et se multiplie. Et il y a l’homme, non pas infidèle mais pétrifié par la peur, pour qui le don ne produit rien, même pas les intérêts. Cette parabole est un sommet car elle nous permet à travers elle de regarder à 360 degrés toute la réalité de la vie. A mon avis, on n’aura jamais fini de la méditer et d’en découvrir le message.
Néanmoins, une interprétation la transforme en poison. C’est une discussion récente avec un pasteur de Lyon qui m’a fait prendre conscience de ce danger. Transformer ? Plus que transformer, pervertir ! C’est ce qui arrive quand on use de cette parabole pour prétendument soutenir l’Évangile de la prospérité, appelé aussi théologie ou doctrine de la prospérité. Il s'agit d'une croyance religieuse chrétienne évangélique qui prétend que la Bible enseigne que l'aisance financière des Chrétiens est un signe de santé spirituelle et que la pauvreté est une malédiction ou une punition de Dieu (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Théologie_de_la_prospérité) . Cette pensée « malade » permet à ceux qui ont fait fortune de se croire et de se dire bénis de Dieu. Dieu m’a donné 5 talents que j’ai fait fructifier ; Dieu me bénit et me comble ; c’est pourquoi aujourd’hui j’en ai 10+1. Béni soit Dieu.
Nous pouvons facilement repérer combien cette lecture de l’Évangile passe complètement à côté du message du Christ, lui l’ami des pauvres et des petits, qui s’identifie même à eux – ce qui est proprement l’objet des versets suivants qui évoquent chez Matthieu le fameux jugement dernier. Dire que Dieu loue et bénit celui qui a reçu 5 talents au point de lui en donner 6 de plus, parce qu’il a fait preuve des meilleurs capacités « productives » c’est regarder le don, c’est ne regarder que l’objet et non Celui qui donne ; c’est donc se tromper de regard et cette erreur est funeste.
La leçon de cette parabole est que nous sommes tous riches des dons de Dieu, lesquels sont porteurs en eux-mêmes d’une logique de multiplication. Le Maître nous en montre l’usage : un don de Dieu, cela se donne et se donne encore : d’abord 5, puis 5 de plus puis 1 de plus encore. Cette parabole est donc le support non d’une théologie de la prospérité mais d’une spiritualité de la solidarité et de la générosité.
En cette journée mondiale des pauvres, laissons-nous conduire sans crainte par ce message.
Retrouver le message du pape pour cette journée mondiale: http://www.vatican.va/content/francesco/fr/messages/poveri/documents/papa-francesco_20200613_messaggio-iv-giornatamondiale-poveri-2020.html