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Homélie du P.Arnaud lors de la première messe de Rémi-Clovis. Valpré. Dimanche 28 juin 2020.


Saint Irénée, deuxième évêque de Lyon, illumine de sa mémoire vive ton ordination, Rémi-Clovis et par elle notre fête à tous, la fête de l’Eglise de Lyon et de notre congrégation. C’est avec lui que je voudrais relire ces textes des Ecritures et plus largement le ministère du prêtre dans lequel tu entres aujourd’hui, cher Rémi-Clovis. J’y vois aussi un petit cadeau spirituel envoyé depuis l’Europe à ta famille et tes amis du Burkina Fasso auxquels nous pensons.

« La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Magnifique formule de Saint Irénée, même si elle est incomplète. Je la redonne donc en entier pour qu’elle déploie toute sa richesse « La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ». Cela dit presque tout, tout de l’essentiel que nous cherchons.

La première lecture extraite de l’Apocalypse évoque la vie des martyrs, des témoins de la foi. Probablement que Saint Irénée, en arrivant à Lyon après le massacre de la communauté chrétienne par les autorités romaines a-t-il éprouvé effroi et réconfort dans ces lignes. Lui aussi pourrait mourir à cause de sa foi au Christ. Mais cette mort aux yeux du monde n’est pas autre chose, nous dit saint Jean que le signe de la victoire du Christ, sa victoire sur la mort. Car la Gloire de Dieu c’est l’homme vivant. Le Christ donne vie à ses témoins au-delà de la mort de sorte qu’ils peuvent le voir, lui l’agneau vainqueur sur son trône. Vivre de notre foi, vivre dans la foi au Christ, c’est accepter ce deal. Nul ne peut souhaiter une mort prématurée, qui restera toujours injustifiable. Pour peu qu’elle soit l’œuvre du terrorisme ou de l’injustice de nos sociétés elle sera toujours un blasphème insoutenable. Mais au moins, Dieu rendra justice à ses enfants. Car la vie de l’homme c’est la vision de Dieu.

Face à cela, Paul indique à Timothée le chemin. La douceur est la seule arme de l’apôtre. Douceur face à la contradiction, douceur face à la violence, douceur dans la conduite de l’Eglise. D’autres qualités sont requises dans l’apostolat, et tu en as plus d’une, mon cher frère, mais celle-ci donne le ton. Disant cela, je ne m’érige pas en exemple ; Paul d’ailleurs se pensait-il si doux ? En tout cas, il est bon de mettre la douceur à l’horizon de nos actions, car la douceur révèle de sa lumière incomparable ce que Dieu trame patiemment dans nos vies. Ainsi, nos yeux s’habituent à la grâce et dans la foi, ils se préparent à voir Dieu. Car la vie de l’homme c’est la vision de Dieu.

Enfin l’Evangile de la vigne, avec sa célébrissime formule « hors de moi, vous ne pouvez rien faire » donne le cadre du ministère et plus largement de toute vie chrétienne. Où aller d’ailleurs si ce n’est en tout lieu où doit être proclamé le commandement qui change tout à nos vies : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… car je vous appelle mes amis ». Nous n’avons rien d’important à dire au monde à part cela. C’est le cœur de l’Eglise, c’est le cœur de tout ministère. Religieux assomptionnistes, nous devons relayer cet appel et redire à tous les responsables, supérieurs, évêques, prêtres, nous-mêmes donc, qu’il n’y a pas d’autres axes ou mots d’ordre à suivre. Quelle grâce pour toi d’avoir été ordonné et de célébrer ta première messe à cette lumière !

« La gloire de mon Père c’est que vous portiez beaucoup de fruits » dit l’Evangile. Saint Irénée, 100 ans après lui répond « La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Les fruits d’une vie d’homme c’est donc que l’homme soit vivant. Et l’homme est vivant quand il laisse l’amour l’emporter en lui sur tout autre mouvement et inspiration. C’est au travail de la vie de l’homme, de tout l’homme et de tout homme que nous devons être. Ainsi peuvent être résumées tes 6 années de formation sacerdotale- si tu avais su tu serais allé droit au but !!!- et les 50 années de ministère qui suivent ! Cela vaut bien encore quelques mots sur cet homme vivant ou bien cette vie de l’homme à laquelle nous devons contribuer.

Michel Dubost hier dans son homélie a évoqué rapidement la situation de crise multisectorielle et multifacteur dont l’Eglise est traversée aujourd’hui, comme l’ensemble de la société du reste. Cette crise peut nous faire douter de tout : de la politique, ce qui serait malheureux en ce jour important d’élection municipale, de toutes les institutions, de toutes nos espérances, et même de la possibilité de l’amour voire de la vie. Comment ne douterions-nous pas aussi du sacerdoce du prêtre ? Saint Augustin que tu affectionnes, cher Rémi-Clovis, vient nous dire ceci, cette parole que tu as entendue au creux de ton oreille hier matin : Dieu a disposé dans nos vies des signes visibles de la Sa Réalité invisible. Dans notre Eglise, tout le monde n’est pas prêtre, loin s’en faut et cela est notre chance. On pourra ergoter à l’infini pour savoir si ceux qui le sont sont les meilleurs, ou les mieux placés ou du bon sexe. Mais ce qui compte, ce qui est primordial, c’est bien qu’ils soient des signes visibles de la Présence invisible de Dieu. Abus de pouvoir et cléricalisme encombrent nos chemins de prêtres, hélas ; ils nous font même marcher à l’envers, à contre sens. Ils font de nous des signes visibles de nos ténèbres, de notre égo que nous devrions garder au secret. Être prêtre c’est tout à fait l’inverse, c’est vouloir disparaître pour que seule l’œuvre de Dieu soit visible.

Saint Augustin va même plus loin. Je retranscris sa pensée avec mes mots- que le maître me le pardonne : le vrai prêtre n’est pas celui qui a reçu l’onction. L’ordination que nous avons reçue, nous les prêtres, ne suffit pas pour nous enraciner dans le sacerdoce du Christ. Augustin doute-t-il de la réalité du sacrement reçu, de ton oui définitif prononcé « une fois pour toutes » ? Non ! Il veut simplement nous dire ceci : devenus prêtres, nous pouvons ne pas le rester comme l’histoire récente nous l’a prouvé car nous pouvons abandonner en chemin ce sur quoi repose notre sacerdoce. Saint Augustin dit en effet- et je complète ici sa pensée : « le vrai prêtre n’est pas celui qui a reçu l’onction mais celui qui fait rayonner la Vérité du Christ dans l’ordre de la Charité. » Ôte le service de l’amour de ta vie est ton étole de prêtre tombera à tes pieds comme une serpillière trempée. Je ne te le souhaite pas mais il est probable que cela t’arrivera, comme à nous tous ici, de passer quelques-fois le soir la serpillière sur l’agenda d’une journée pourrie. C’est la vie, c’est notre vie et Dieu, malgré tout, y trouve une possibilité de glorification car la gloire de Dieu c’est l’homme vivant.

Alors oui, bien-sûr, nous les prêtres nous assurons la présence réelle du Christ dans l’eucharistie – on te le rappellera souvent Rémi-Clovis- mais cela n’atteint pleinement son sens qu’à condition que le prêtre soit réellement présent à son humanité telle que le Christ l’a déployée par sa vie et sa mort sur la croix, qu’à condition aussi que les chrétiens dans leur ensemble soient pleinement présents dans le monde pour le servir et le faire croître. Ce sont ces hommes-là qu’il faut espérer être, pleinement présents à eux-mêmes, pleinement présents au monde. Alors oui, nous serons vivants de la vie du Christ et alors, oui, par nous, notre temps sera témoin que « La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Oui, ne craignons pas de le croire avec force : devant la vision que l’amour du Christ habite encore et toujours notre monde, nos contemporains comprendrons que « la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu », un Dieu, le seul Dieu, amour de miséricorde, épris de liberté, insaisissable comme un souffle, lumineux comme un jour sans couchant.

Cher Rémi-Clovis, aide-nous à vivre cela comme nous voulons t’aider à le vivre. Que le Seigneur nous y dispose. Amen.

P.Arnaud


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