« Femme ta foi est grande. » Jésus aurait-il connaissance du moyen de mesurer la foi ? Puis-je lui demander : Seigneur, est-ce que ma foi est grande ? est-ce que la foi des assomptionnistes est grande ? Il nous faut reconnaitre que nous ne le saurons jamais. Nous pouvons simplement espérer que notre foi grandisse. Oui, que cette eucharistie partagée ce dimanche matin fasse grandir notre foi.
Pour cela, entrons dans le texte de l’évangile de ce jour. Il est bâti comme une petite scène de théâtre, avec deux personnages principaux. Une femme dont la fille est malade, qui demande une faveur. Et Jésus, qui est celui à qui cette femme veut s’adresser. Entre eux deux, il y a les disciples, qui font une apparition fugace presque brouillonne, où on ne décèle pas clairement s’ils interviennent pour le bien de la femme, pour celui de Jésus ou pour leur propre intérêt.
Cette scène soulève, sans les dissimuler, deux séries de questions.
La première : cette femme a-t-elle droit à la faveur de Jésus ? Elle est Cananéenne. Elle ne fait pas partie du peuple de Dieu ; en tout cas, pas de naissance. Jésus, lui, est prophète en Israël. On croit même comprendre qu’il n’est prophète qu’en Israël. Leurs routes à ces deux-là ne se croisent donc pas. La femme ne revendique d’ailleurs pas de faire partie des invités au repas des élus. Elle en demande les miettes.
Mais la page d’évangile contourne cette impasse juridique. Peut-être qu’effectivement, elle n’a aucun droit à la faveur de Jésus. Mais, n’est-elle pas comme Ruth, qui en son temps glanait les gerbes du champ de Booz ? La catholicité de notre foi qu’on a évoquée hier nous invite à croire et à répandre cette nouvelle que tout homme a accès à la faveur de Dieu. « Tous, Tous, Tous ! » comme cela a été martelé à Lisbonne lors des JMJ.
La seconde série de questions maintenant : Jésus a-t-il le pouvoir de venir au secours de cette femme, plus exactement de la fille de cette femme ? Dit comme cela, la réponse est évidemment oui : tout homme, a fortiori Jésus, a toujours le pouvoir de porter secours à son frère dans la peine ou la souffrance.
Mais notre imaginaire qui lit souvent le texte avant nous et parfois même à notre place nous pousse à nous demander si Jésus a le pouvoir de guérir la fille ? Si oui, pourquoi alors ce dialogue assez désagréable avec elle ? si oui encore, pourquoi cette fille-là. Il est sans doute injuste qu’elle soit malade, une injustice qui s’étale au grand jour au pèlerinage de Lourdes. Mais ne serait-ce pas une injustice de plus que de ne guérir que cette fille-là, pour récompenser la grande foi de sa mère ?
Le texte ne va pas en ce sens. Paul, lui-même, confronté à cette énigme, écrit aux Romains cette parole mystérieuse et quelque peu choquante . « Dieu a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde. » Que comprendre sinon que la miséricorde de Dieu finit toujours par triompher de nos incroyances. Mais que vivons-nous entre temps ?
Permettez que je m’exprime à partir du le journal la Croix, qui est le lieu de ma mission depuis bientôt un an. En mars dernier, l’hebdo de La Croix faisait sa Une sur un prisonnier dans les mains des terroristes au sahel, un père de famille roumain prénommé Iulian, le plus ancien détenu occidental. Après 8 ans de captivité, il était oublié. Sa situation criait « Pitié », mais plus personne pour l’entendre. Personne, jusqu’à ce que nos journalistes s’en mêlent. Réveillant l’opinion puis les gouvernements, cet article a fait renaitre l’espoir. Finalement, Iulian a été libéré la semaine dernière. Miraculeusement, dit la famille. Il y a incontestablement une part de miracle dans sa libération sain et sauf. Mais quelle est cette part ?
Revenons à notre texte. Nous l’avons laissé avec cette femme qui demande à Jésus la faveur de sa pitié, une petite parcelle de cette faveur, une miette de faveur. Elle veut que sa fille soit libérée du démon, comme dans mon histoire nous voulions que Iulian soit libéré des terroristes.
Jésus nous le savons n’a pas d’autre désir. Nous ne dirons jamais assez que Jésus veut nous libérer. L’aspect exceptionnel de la rencontre de cette femme de l’évangile avec Jésus est sans doute ceci : elle montre à Jésus que ce qu’elle veut c’est ce que Lui veut. Ainsi, la volonté de la femme entre dans celle de Jésus. C’est alors que Jésus lui fait vivre ce que lui-même ne cesse pas de vivre : ce qu’il veut, Dieu le Père le veut aussi et le réalise.
Voilà, il me semble, le miracle, un miracle qui nous est ouvert à chacun quotidiennement.
Voilà donc aussi le chemin de la foi, de la grande foi de cette femme : elle a voulu ce que Jésus voulait et que le Père fait. Au passage la scène s’est enrichie de 2 personnages supplémentaires. Chacun des 4 donne le sens qui est le sien à l’événement : le Père a exaucé le fils, le fils a témoigné du Père, la mère a été consolée et la fille a été libérée. Chacun détient une part de la lumière de ce qui s’est passé.
Chers frères et sœurs. Ce n’est pas en une semaine de chapitre, ni même en toute une vie que nous parviendrons à savoir ce que Dieu veut. Le texte d’aujourd’hui nous invite à prier pour que notre volonté rejoigne celle de Dieu. Oui, que notre volonté trouve celle de Dieu, même à notre insu, dans l’épaisseur de notre foi, là où notre raison ne parvient souvent qu’à balbutier. Prions pour que nos volontés soient unes avec lui et entre nous, même si nos chemins sont différents, surtout si nos chemins sont différents.
Jésus nous livre la clef de compréhension de ses miracles, pour que notre foi grandisse : chaque fois que nous parvenons à faire demeurer notre volonté humaine dans celle du Christ, alors le Père du ciel nous ouvre les portes de son Royaume. N’est-ce pas là notre vœu le plus cher ?
Σχόλια