Prédication du dimanche 13 février 2022.
Texte d'appui: (1 Co 15, 12.16-20)
Homélie catéchétique. Ce n’est pas si souvent !
Nous venons d’entendre les béatitudes de Luc, pas tout à fait identiques à celles plus connues de Matthieu : Luc nous offre 4 béatitudes au lieu de 9 chez Matthieu et 4 exclamations « quel malheur ! » qu’on aurait tort de qualifier de malédictions. Pour Luc, l’humanité est donc en tension, en contraste entre les heureux et les malheureux.
Or, la première lecture d’aujourd’hui extraite du livre de Jérémié (Jr 17) nous a parlé d’un monde où il y a 2 types d’arbres : les arbres du désert, dans la souffrance. On croirait entendre chez Jérémie, une page d’Évangile : quel malheur à vous qui croyez pouvoir vivre par vous-mêmes, vous êtes déjà dans l’ombre de la mort !
Or vivre, c’est être comme un arbre planté au bord de l’eau, dont la force et la verdure sont une invitation pour l’homme à être dans la confiance en Dieu.
Entre ces deux pôles désignés par l’évangile de Luc sous la forme de Heureux/ Quel malheur et chez Jérémie des arbres arides/ arbres verdoyants, il y a toutes les nuances de la vie. Cherchons-en le cœur ! Paul, dans la deuxième lecture, nous ramène au centre, à savoir la Résurrection du Christ ! Selon lui, impossible de ne pas y croire !
Quel malheur si nous ne croyons pas en la Résurrection du Christ… cri de Saint Paul ! Est-ce si grave au fond ?
Témoignage personnel
Puis-je répondre d’abord par un témoignage personnel ? si le Christ n’était pas ressuscité, je ne serai pas parmi vous. Autrement dit, si vous vous posez la question de savoir pourquoi je suis croyant ? Parce que Jésus est ressuscité ! Pourquoi je suis célibataire ? Parce que Jésus est ressuscité ! Pourquoi je suis devenu prêtre ? Parce que Jésus est ressuscité ! Pourquoi je suis religieux assomptionniste ? Parce que Jésus est ressuscité ! et pourquoi je suis heureux tous les matins en me levant ? Parce que Jésus est ressuscité ! pourquoi je n’ai pas peur de la mort ? Parce que Jésus est ressuscité ! pourquoi je crois en l’amitié ? Parce que Jésus est ressuscité !
En moi, tout repose et tout tient sur la résurrection de Jésus. Il me faudrait vous raconter toute ma vie et toutes mes pensées pour vous le prouver. Sans doute, ce serait un peu long, et globalement inintéressant.
Mais ma foi en la résurrection ne fait pas de moi un croyant meilleur que quiconque. Je suis un croyant parmi + de 6 milliards de croyants dans le monde. Ma foi en la résurrection fait simplement de moi un disciple de Jésus après sa Pâques.
Ceux qui ne croient pas
Au début de ma vie de prêtre, quand je rencontrais des personnes qui ne croyaient pas en la résurrection de Jésus, j’étais choqué et je me demandais : mais qu’est-ce qu’ils font à l’Église ? Sans la résurrection, l’Église n’a aucun intérêt ! Si Jésus n’est pas éternellement vivant pour la conduire, quelle différence avec tout le reste, tout ce que le monde connait de religion et d’institution ?
En pensant de la sorte, j’étais dans le jugement, ignorant la difficulté de croire en la résurrection, difficulté que tous les apôtres ont eue, pas seulement Thomas, même Pierre ou Marie Madeleine la première à l’avoir rencontré (cf. Jn 20). Et les choses ne se sont pas simplifiées en 20 siècles d’histoire ; c’est presque l’inverse de sorte que notre catéchisme de poche ne rend pas la résurrection plus accessible.
La difficulté de croire
Il faut bien reconnaitre que nous n’avons pas de preuve de la Résurrection de Jésus ; c’est donc difficile d’y croire. Mais cette absence de preuve concerne tout le domaine de la foi : Dieu, la trinité, la vie éternelle et même l’amour, la fidélité du conjoint ou la vérité des sondages !!!!
Au-delà de la question de la preuve, 2 idées font souvent obstacle à la foi en la résurrection.
· Le sceptique dit : « Je m’efforce de croire comme je peux, en rapport à mes questions. » Dans ce cas, la résurrection de Jésus est considérée comme un article de foi ! Ce ne serait jamais qu’un article de foi parmi d’autres ! « En vérité, ce n’est pas le premier (article) auquel je ne crois qu’à moitié ; je ne peux pas croire à tout ; je m’en garde pour là-haut. Ici-bas, sur terre, je n’ai pas besoin de tout le catéchisme et de tous les dogmes ! Mais j’ai bien compris ! La résurrection, c’est important ! J’y viendrai mais pas tout de suite ! pas encore du moins !». Dans ce cas le pari est de vouloir vivre de la foi chrétienne sans croire en la résurrection. Là-dessus, Tous les apôtres, tous les Pères de l’Église et les Docteurs dont notre cher Irénée, sont formels : ce n’est pas possible. La foi chrétienne part de la Résurrection ; elle ne la déduit pas du reste.
· Le deuxième obstacle à la foi personnelle en la résurrection est de la penser comme un événement qui concerne Jésus et Jésus seul. Oui, je crois qu’il est ressuscité, qu’il a eu cette chance de vaincre la mort ! « Ca ne m’étonne pas vraiment, vu qu’il est le fils unique du Patron ! Et tant mieux pour lui. D’ailleurs, il l’a bien mérité, vu tout ce qu’il a donné et comment il a été traité par les Romains». Mais c’est son histoire. Mon histoire est différente. Ma mort ne sera pas comme la sienne et ma vie après la mort, si j’en est une, non plus. Dire cela à Jésus lui fendrait l’âme, lui qui n’a eu de cesse de faire comprendre à ses disciples qu’il était avec eux, venu pour eux. Jésus-Christ a supprimé toute séparation entre lui et nous : ce qu’il a vécu, en bien comme en mal, nous le vivrons. Et sa résurrection annonce la nôtre. Comme le dit Paul ailleurs, il est le premier né d’entre les morts ; et nous le suivons.
Les dons de la foi en la résurrection
Mais répondons pour finir à l’interrogation de saint Paul : si nous ne croyons pas en la résurrection de Jésus, quelle conséquence en tirer ?
Si nous ne croyons pas en la résurrection de Jésus, nous ne croyons pas non plus en l’accomplissement de la Promesse. Car la Bible commence avec la lumière qui précède les ténèbres et s’achève sur la victoire de la Lumière sur toutes les ténèbres, c’est-à-dire la victoire de la vie. L’histoire de la Bible est portée par l’avènement du Règne de Dieu, en Terre Promise d’abord puis en toute chair et enfin de toute éternité. C’est justement ce qu’opère la Résurrection de Jésus.
Plus précisément encore, si nous ne croyons pas en la résurrection de Jésus, nous ne pouvons pas lire jusqu’au bout les Évangiles et nous ne pouvons pas en comprendre le sens profond. Car les évangélistes ont pris la plume non pas pour raconter la sagesse d’un nouveau Bouddha local mais pour raconter l’extraordinaire de la Résurrection. La résurrection, cela nous est souvent dit dès les premiers lignes des Évangiles. Jésus ne cesse pas de parler de ces fameux trois jours après lesquels le Royaume sera ouvert, donné. Ne pas s’intéresser à la résurrection de Jésus, c’est comme si on lisait l’Évangile sans les lunettes, une page sur deux et en s’arrêtant au milieu !
Si nous ne croyons pas en la résurrection de Jésus, nous ne croyons pas non plus dans le témoignage des Apôtres qui ont accepté le martyr. Car ces pauvres marins d’eau douce comme les appellerait le capitaine Haddock, ont tout quitté, sont partis dans des pays inconnus où ils se sont fait trouer la peau, à cause de cette nouvelle : Jésus est ressuscité, nous l’avons vu vivant après sa mort. ET non seulement, nous l’avons vu, mais nous avons parlé avec lui, partagé des repas et aujourd’hui encore il agit dans nos vies. « Jésus est vraiment vivant », c’est le témoignage des Apôtres par excellence !
Enfin, si nous ne croyons pas en la résurrection de Jésus, nous n’avons pas d’espérance face à la mort et la finitude de toute vie. Notre espérance retombe comme un soufflet. La mort reste une énigme, un espace sans lumière. Seul le présent est porteur de vie, qu’il faudrait alors vivre en en consommant toutes les secondes, n’importe comment, l’important étant de ne pas en perdre une goutte car apprès ce serait trop tard. Et les personnes qui nous ont précédé ne sont dans ce cas que des souvenirs qui s’effacent petit à petit.
Bref, tout le contraire de ce dont témoignent les saints et de ce dont a parlé Jésus : le Royaume du Père où nous sommes appelés à être réunis parce que la mort n’aura pas le dernier mot. Avec la Résurrection de Jésus, nous croyons, nous savons j’oserai dire, que la mort est un passage. Ce passage est infiniment brutal et douloureux ; pensons à ce jeune Théophile de 13 ans décédé il y a 10 jours. Mais il n’est pas un point d’arrêt. Comme Dieu nous a fait naître, il nous fera renaître, il suscitera une nouvelle vie en nous.
N’en soyons pas étonnés : Dieu donne la vie ; c’est un don. Il la donne, non pas pour la reprendre mais pour la porter à sa perfection. Seul le corps disparait ; c’est l’expérience que font les disciples au tombeau au matin de Pâques : le corps de Jésus a disparu, mais lui est vivant !
Oui, frères et sœurs, chers amis, Jésus est ressuscité ; il est la Résurrection. Il est présent parmi nous ! C’est donc un pain bien vivant, le pain de la vie que nous mangeons à chacune de nos eucharisties.
Texte d'appui:
DEUXIÈME LECTURE
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (1 Co 15, 12.16-20)
Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
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