« Arrêtez, sachez que je suis Dieu, je domine les nations, je domine la terre » (Psaume 45).
Dernière mise à jour : 16 janv.

Extraits de la lettre de l'Abbé Général Ordre Cistercien pour le temps de l'épidémie. Ce texte écrit en temps de carême est un appel universel à la sagesse spirituelle; il convient très bien à nos âmes ensoleillées par le temps pascal !
<<Cet arrêt imposé par la contagion et les autorités est présenté et vécu comme un mal nécessaire. L'homme contemporain, en effet, ne sait plus s'arrêter. Il ne s'arrête que s'il est arrêté. S'arrêter librement est devenu presque impossible dans la culture occidentale actuelle, qui est, de plus, mondialisée. Même pour les vacances, on ne s'arrête pas vraiment. Mais aujourd'hui, un revers désagréable tel qu’une épidémie a arrêté presque tout le monde. Nos plans et nos projets ont été annulés, et nous ne savons pas pour combien de temps.
Qu'est-ce que cela signifie ? Nous pouvons vivre notre situation actuelle avec liberté, même si nous y sommes contraints. La liberté n'est pas de choisir toujours ce que l'on veut. La liberté est la grâce de pouvoir choisir ce qui donne de la plénitude à notre cœur même quand tout nous est enlevé. Même lorsque la liberté nous est enlevée, la présence de Dieu nous garantit et nous offre la liberté suprême de pouvoir nous arrêter devant Lui, de le reconnaître présent et ami.
Cette pandémie, avec tous les corollaires et les conséquences qu’elle comporte, est alors l'occasion pour nous tous de nous arrêter réellement, non seulement parce que nous y sommes contraints, mais parce que nous sommes invités par le Seigneur à nous tenir devant lui, à reconnaître qu'il vient, en ce moment même, à notre rencontre au milieu de la tempête des circonstances et de notre angoisse, en nous proposant une relation renouvelée d'amitié avec lui, qui surtout renouvelle pour nous le don de sa présence amicale, qui triomphe de notre fragilité pleine de peur – « Courage, c'est moi, n'ayez pas peur ! ». Il veut nous conduire tout de suite au destin ultime et plénier de l'existence : Lui-même qui demeure et marche avec nous.
La scène du monde troublé d'aujourd'hui ne devrait pas nous sembler tellement étrange. En réalité, notre vocation de baptisés, comme notre vocation à la vie consacrée dans la forme monastique, devrait toujours nous aider et nous appeler à vivre ainsi. La situation actuelle nous rappelle, ainsi qu'à tous les chrétiens, un peu ce que saint Benoît dit à propos du temps du Carême (cf. Règle de Saint Benoît 49, 1-3) : nous devrions toujours vivre ainsi, avec cette sensibilité au drame de la vie, avec ce sens de notre fragilité structurelle, avec cette capacité de renoncer au superflu pour sauvegarder ce qu'il y a de plus profond et de plus vrai en nous et entre nous, avec cette confiance que notre vie n'est pas entre nos mains mais entre les mains de Dieu.
Nous devrions aussi toujours vivre avec la conscience que nous sommes tous responsables les uns des autres, solidaires les uns des autres pour le meilleur ou pour le pire, de nos choix, de nos comportements, même les plus cachés et apparemment insignifiants.
Il y a cependant une tâche que nous sommes appelés à assumer de manière spécifique : l'offrande de la prière, de la supplication qui mendie le salut. Jésus-Christ, par le baptême, la foi, la rencontre avec Lui à travers l'Eglise et le don d'une vocation particulière à demeurer avec Lui dans « l'école du service du Seigneur » (Règle de Saint Benoît, Prologue 45), nous a appelés à nous tenir devant le Père en demandant tout en Son nom. Pour cela il nous donne l'Esprit qui, « avec des gémissements inexprimables », « vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons pas prier comme il faut » (Rm 8,26). Avant d'entrer dans la passion et la mort, Jésus a dit à ses disciples : « Je vous ai choisis (...) afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accorde" (Jn 15,16). Il ne nous a pas choisis uniquement pour prier, mais pour être toujours exaucés par le Père.
Cette conscience de notre tâche prioritaire de prière pour tous doit nous rendre universellement responsables de la foi que nous avons, et de la prière liturgique que l'Église nous confie.>>
Rome, le 15 mars 2020
3ème Dimanche de Carême Fr. Mauro-Giuseppe Lepori OCist